Jean-Marc Collot - Ambassadeur de l'Allier
- 24 août 2020
- 8 min de lecture

La Maison Mantin et sa terrasse (Moulins)

Avant de parler de Louis Mantin, de Louise-Gabrielle Alaire et de leur maison, voyons les conditions de la visite.

Nous étions 13 personnes plus la guide Evaëlle, difficile de faire plus avec les précautions sanitaires, bien sûr tout le monde a son masque.

Cette visite est particulière car elle se termine par la terrasse, elle n’a lieu qu’une fois par mois à cause de la Covid, le 22 aout, c’était la dernière de la saison.

Il y avait plus de visite prévues avec la terrasse mais la Covid en a décidé autrement.

La Maison Mantin, Place du Colonel Laussedat à Moulins.

Louis Mantin, né en 1851, vient d’une famille industrieuse qui a réussi dans la fabrique de meubles et de décoration intérieure, lorsqu’il hérite en 1880, il détruit une partie de l’usine pour construire sa maison.

Contrairement à son père et à son grand-père, il a fait des études d’avocat, d’abord à Moulins puis à Paris, il a été sous préfet et préfet, en 1893 il prend sa retraite à 42 ans, sa maison est conçue par René-Justin Moreau et achevée en 1895, Louis Mantin ne profite pas longtemps de sa maison puisqu'il meurt en 1905.

Louis Mantin, crédit : Jérôme Mondière

Puisque pour des raisons de préservation de la Maison, les sacs sont interdits pour éviter de frotter les murs, il est aussi impossible d'amener un gros appareil photo.

Les seules photos autorisées seront prises à l'extérieur et dans une galerie, hélas par mon téléphone, la visite se fera donc en description, laissez vous guider par ma voix, ou plutôt mon écrit !

La visite commence par une des trois entrées de la maison et par les escaliers en chêne (pas de Tronçais pour une fois dans mes visites).

Avant d'attaquer cette visite, Evaëlle nous raconte la vraie histoire des 100 ans de la maison Mantin et de la légende qui en est née.

Tout commence par le legs de Mantin à la ville de Moulins de sa maison.

Louis Mantin n’a jamais dit que sa maison devait être fermée pendant 100 ans, mais qu’elle devrait encore être visible dans 100 ans, ce qui n’a rien à voir !

De fait le legs spécifiait que sa maison devait être visitable dans les 5 ans après sa mort sinon la ville perdait la maison .

Ce qui fut fait, en 1910 le Musée ouvre, mais les visiteurs se font rares, en effet la maison a été construite 15 ans auparavant et l’intérêt d’une telle visite est faible !

C’est pourquoi Louis Mantin a parlé de 100 ans, il veut laisser un témoignage d’une maison bourgeoise de la fin du XIXe pour le futur, évidemment pas pour son époque.

Le Musée ferme pendant l’entre deux guerres, il sert d’entrepôt et de réserve pendant 70 ans au Musée Anne de Beaujeu, avant de rouvrir en 2010 après 3 ans de travaux, de là naitra la légende de l'ouverture 100 ans après la mort de son propriétaire, romantique certes, mais complètement faux.

La maison possède 3 entrées, une pour les livraisons, une pour Louis Mantin et ses amis avec un joli "SALVE" (Salut) en mosaïque, une pour les domestiques, c'est cette entrée que nous pouvons voir en photo en dessous, cette porte est accessible par un escalier qui descend de la gauche de la maison.

C’est une maison incroyablement moderne pour l’époque ! Il y a des toilettes à tous les étages et l’électricité ! Il y a d’ailleurs des sonnettes électriques pour appeler les domestiques, en plus des cheminées, il y a un chauffage au sol disposé dans toute la villa, il fonctionne grâce à l’air chaud distribué à tous les étages par un calorifère à charbon.

La visite continue par le salon.

Décoré dans le style éclectique XIXe qui se caractérise aussi par son horreur du vide, donc en remplit avec tout ce qui est possible : meuble, tapisseries etc

Le lustre XIXe a en plus de son système d’éclairage, 3 ampoules particulières, en effet il y en a une bleue, une blanche et une rouge, n’oublions pas que Louis Mantin a été Préfet et que la maison est construite après la défaite de 1870 contre l'Allemagne.

Ce salon se caractérise aussi par un jeu d’inversion, les miroirs sont sur les portes et la vitre au dessus de la cheminée.

Ces portes donnent sur la salle de travail, plus austère dans sa décoration, de style Moyen Age et Renaissance. Sur le bureau nous pouvons voir un crabe articulé en bronze qui vient du Japon et un crâne humain véritable, qui rappelle que nous sommes tous mortels.

Cette salle de travail dispose d’un téléphone, lorsque je vous disait que cette maison est moderne !

Cette salle comprend aussi un coin lecture qui est alimenté par une superbe bibliothèque richement garnie.

Dans la salle de travail il y aussi un banc coffre qui contient le bois de chauffage pour la cheminée.

C’est ici que Evaëlle nous apprend que les tapisseries tiennent exactement dans les murs, sachant qu’elles ont plus de 300 ans, cela signifie que ceux sont les murs qui ont été fait sur mesure par rapport à la tapisserie que Louis Mantin souhaitait mettre !

Le couloir présente une première collection et nous voilà de retour dans l’entrée des livraisons.

Nous grimpons quelques marches et nous voilà devant un tableau portrait de famille, il y a le grand père, le père et un enfant : Louis Mantin, attention ce n'est le Louis Mantin qui nous intéresse mais son oncle. La petite fille présente sur le tableau est la tante de Louis Mantin, il n’est pas présent sur le tableau car il n’est pas encore né.

C’est d’ailleurs l’occasion de préciser qu’il n’existe que 5 photos de Louis Mantin et bien sûr aucun tableau le représentant n'a subsisté.

A l’étage se trouve la chambre rose, celle de Louise-Gabrielle Alaire, la compagne de Louis Mantin, compagne car elle était déjà mariée. Elle a quitté son mari pour vivre pendant 25 ans avec Louis Mantin, le suivant dans ses différents postes de Préfet et Sous-Préfet, évidemment ils n'ont jamais pu se marier.

Pour l’anecdote, le lit est une des rares copies de cette maison, en effet lors de son ouverture en 1910, pour ne pas choquer les (rares) visiteurs avec ces 25 ans de vie commune on a transformé cette chambre en salon.

Grâce à l’inventaire de la maison on a pu reconstituer cette chambre rose dans sa disposition et ses meubles. Il est vrai qu’en 2010 la liaison entre Louis Mantin et Louise-Gabrielle Alaire est moins choquante, de même les tissus de cette chambre ont été retissés à l’identique par la maison Tassinari et Chatel (Lyon) qui avait gardé les modèles dans son catalogue.

Le plafond peint est du même peintre que celui du Grand Café, le côté Roi de la Bière en moins bien sûr !

Les toilettes à l’étage sont modernes, il y a une chasse d’eau et même un distributeur de papier toilette feuille à feuille.

Nous arrivons dans la chambre du Maître de maison Louis Mantin, oui à l’époque c’est coutume de faire chambre à part, notons que la chambre de Louis Mantin est celle qui contient le lit à deux places, le lit de la chambre rose est dit à trois cuisses, et ne convient pas à deux personnes, ou alors brièvement.

Mais revenons à la chambre de Louis Mantin, elle est décorée façon renaissance avec des vitraux en survitrage, cela permet d’éviter la casse, d’ailleurs les vitraux étaient intacts après 70 ans de fermeture.

Les murs sont décorés de cuir doré d’Avignon à la mode de Cordoue, ils représentent diverses scènes historiques, allégoriques, exotiques ou mythologiques.

Cette chambre comporte une alcôve, qui se tient dans une tourelle extérieure qu’il fallait bien remplir.

La salle de bain, située elle aussi dans une tourelle, on y reviendra en fin de visite, et d’une modernité folle, baignoire en cuivre étamé, l'évacuation de l’eau se fait par des caillebotis au sol, en dessous une feuille de plomb en entonnoir amène l'eau dans les égouts de la ville. Trois pommeaux de douche, un mélangeur avec thermomètre pour vérifier la température de l’eau tiède, un chauffe serviette…

Puisqu’après la salle de bain nous repartons vers le haut de la maison, et l’étage où loge les 3 ou 4 domestiques, parlons un peu plus de l’escalier, il fait 15 m de haut et possède son propre toit en coque de bateau renversé.

Il peut paraitre étonnant que seulement 3 ou 4 domestiques suffisent dans une maison aussi vaste, mais n’oublions pas que nous sommes dans le centre ville de Moulins, il y a tout à disposition à l’extérieur de la maison.

A cette étage il y a une photographie de la Lune par Warren de la Rue, rien d’étonnant de nos jours, mais rappelez-vous que nous sommes en 1895 ! Mieux encore il s’agit d’une des premières photographies de la Lune, elle date de 1858 !

La photographie de la Lune. © Victoria and Albert Museum, London.

Le berceau de Louis Mantin (en tout cas il lui est attribué) que nous pouvons voir a servi de jardinière, puisqu'il n'a jamais eu d'enfant avec Louise-Gabrielle Alaire.

Nous sommes maintenant dans l'avant dernière pièce avec le cabinet de curiosité ou plutôt le musée privée de Louis Mantin tellement les collections sont variées et impressionnantes !

Entre reproduction de l’escalier de Blois (construit par Léonard de Vinci) Diable, dragon et grenouilles combattantes, laissez vous guider par votre envie de visite, et n'hésitez pas à discuter avec la ou le guide.

La visite se termine par la tourelle dont nous avons déjà parlée pour la baignoire, c’est en effet au dessus de cette tourelle que se trouve le chauffe eau dont les tuyaux sont dissimulés dans les colonnes de la tourelle.

L’accès à la tourelle se fait par une galerie ouverte qui est le seul endroit où on peut prendre des photos, on en profite !

Cette tour abritait la collection des oiseaux, elle a été déplacée car trop compliquée à chauffer l’hiver, c’est ce qui explique le décor animalier avec une dominante d’oiseaux.

On y trouve aussi cette citation sur le mur du fond :

Parvula pars quondam ingentis atque superbi

Nunc alium , sed enim mirum, conficio

Limen : Tempus edax me flamma diruit olim

Quod hodie relevat, rursus diruerit

"Je fus naguère détruite par le feu ; ce que le temps qui dévore tout relève aujourd’hui, demain le temps l’aura de nouveau détruit."

Il s'agit évidemment d'une référence à l'incendie de 1755 du château des Ducs de Bourbons.

La visite terminée on se retrouve sur la terrasse pour certes un rafraichissement, mais surtout pour un dernier point historique : à la place de la rambarde et du gravier à l’époque il y avait des tilleuls et de l’herbe.

Les racines des tilleuls attaquaient le mur, il a fallu les enlever.

La fin de la visite sur la terrasse est bien entendu l’occasion de prendre des photos et d’explorer cette terrasse. Si vous le pouvez, privilégiez cette visite, elle permet d'avoir une vue sur les façades de la Maison Mantin, en plus d'une vue originale sur Moulins.